Mémoire en roue libre : ode à la liberté de fuir pour se retrouver

Et si la fuite n’était pas signe de lâcheté mais plutôt d’un besoin de se retrouver soi-même ? C’est le constat qu’a fait Pierre-Nicolas Marquès, alias Motsdumarquis sur les réseaux sociaux. Alors qu’il saute sur son vélo, les bagages remplis de tristesse, d’incertitudes et, semble-t-il, d’une certaine amertume, il dépose peu à peu, au fil des kilomètres, le poids trop longtemps juché sur ses épaules. Mémoire en Roue Libre retrace cette quête de soi.

Genèse d’une fuite en avant

Pierre-Nicolas Marquès est un amoureux. Amoureux des mots, amoureux, amoureux des pensées, si fugaces et pertinentes. Amoureux d’une femme. Mais lorsque vient le chagrin de la rupture, il ressent le besoin de fuir.

Dans un monde où la plus grande qualité semble être la capacité à faire front, à foncer coûte que coûte, lui fait le choix assumé de prendre le large pour se retrouver. La fuite n’est alors plus un aveu de faiblesse mais plutôt le signe d’un certain courage. Celui de laisser le connu, le prévisible pour rencontrer l’inconnu.

“On ne peut pas guérir à l’endroit où l’on est tombés malade.”

Grand passionné de cyclisme, il renoue avec cette discipline longtemps mise de côté suite à une fracture. C’est là, comme si c’était écrit, qu’un ami lui propose de se lancer dans une aventure hors normes. Rallier Biarritz à Perpignan en vélo. Mais puisqu’il souhaite se retrouver, se reconnecter à lui-même à travers cette expérience, Pierre-Nicolas décide de dédier chaque futur coup de pédale à la lutte contre la maladie d’Alzheimer. Créer des souvenirs pour ceux qui n’en ont plus. Emplir sa mémoire pour ceux qui ne le peuvent plus.

Bientôt, au fil des kilomètres, il ressent un besoin impérieux, qui s’impose à lui comme une évidence : écrire le livre de sa traversée. Passionné depuis l’adolescence par l’écriture, il comprend vite que le récit de son voyage, rapporté au rythme de ses pensées, tantôt fluides, tantôt entrecoupées de souvenirs ou d’échanges, peut permettre à chacun de vivre des émotions à travers des pages noircies de joies et de peines, de victoires et de douleurs. Des pages pensées sur la selle d’un vélo.

Se retrouver grâce au vélo

Pourquoi le vélo ? Voilà une question qui finalement n’en est plus une dès que l’on parcourt les premières pages du livre. La passion du cyclisme transpire à travers chaque ligne.

“Le vélo est une véritable allégorie de la vie.”

Initié dès le plus jeune âge par sa grand-mère avec qui il regardait le Tour de France, les yeux brillants devant les plus grands champions de la discipline, Pierre-Nicolas baigne très tôt dans cet univers. Dans son livre, il nous raconte ses débuts, ses doutes et ses victoires vissé sur sa selle. Mais au-delà de sa propre expérience de cycliste, il se plait à narrer ses instants de spectateur. Il s’efface devant les exploits des coureurs professionnels qu’il raconte dans les moindres détails comme s’il les avait vus hier encore.

Le récit de sa propre aventure se construit entrecoupé de ses souvenirs qui semblent l’avoir porté plus d’une fois, comme lorsqu’il gravit à grande peine le mythique Tourmalet.

De son côté, Pierre-Nicolas vit chaque jour comme une nouvelle étape d’une quête qu’il n’éprouve pas le besoin de nommer. Aux côtés de ses coéquipiers d’aventure, il avance, jour après jour, à la force des jambes. Chacun joue avec ses propres armes et ce n’est pas un sujet car au-delà du niveau, ce qui compte, c’est d’arriver au bout de chaque étape.

Le voyage l’amène à méditer, à observer les paysages qui défilent autour de lui. La souffrance le reconnecte à l’instant présent ou au contraire, l’invite à s’évader à la rencontre de son idole, Mark Cavendish, aux côtés de qui il retrace les étapes les plus difficiles des Pyrénées.

Les jours s’égrainent et l’expérience se révèle véritablement salvatrice pour celui qui a accepté de fuir pour enfin se retrouver.

Ode au Tour de France

S’il est un élément qui saute aux yeux du lecteur, c’est bien la passion profonde qui lie Pierre-Nicolas au Tour de France. Pour lui, cet événement est lié à l’histoire, tant à la sienne qu’à celle de la France et du sport.

Il prend plaisir à revenir sur des étapes mythiques, des instants de grâce, des coups d’éclat de ceux qui ont lié pour toujours leurs noms au Tour.

Hommages à sa grand-mère autant qu’aux champions, ces sauts dans le temps qui jalonnent le récit résonnent comme une déclaration d’amour au cyclisme et au Tour de France.

Mais ce n’est pas parce-que son livre décrit des souvenirs de temps passés que la passion s’est aujourd’hui envolé ! Pierre-Nicolas continue de suivre le Tour chaque année, même s’il a maintenant quitté le salon de sa grand-mère. Peu enclin à la nostalgie, il ressent toujours les mêmes émotions devant sa télé ou sur le bord de la route. Les datas, les évolutions technologiques ne changent selon lui rien au plaisir du public à suivre la course et à vibrer aux côtés des coureurs.

À la mémoire des rencontres

La dimension sportive ne peut toutefois pas résumer à elle-seule l’essence de ce voyage. La vérité est ailleurs. Elle se forge à travers chaque rencontre, chaque échange. Que ce soit avec ses compagnons de route ou avec de parfaits inconnus le long des routes, Pierre-Nicolas s’est nourri avidement de chaque récit. Il se souvient d’une femme, sur son vélo. Elle portait un chapeau de paille et pédalait sur un parcours jalonné de montées difficiles. Elle s’appelait Hélène et avait 50ans. Nomade, elle vivait dans son camion et parcourait les routes pour trouver le terrain parfait afin de construire sa future maison.

“Il faut un chez-soi pour se sentir bien, mais il faut aussi savoir le quitter.”

Véritable écho à son désir de fuite, cette phrase s’encre profondément en lui. Lui à qui l’on a répété qu’il ne pourrait pas fuir toute sa vie trouve une nouvelle fois un sens à sa démarche.

À l’issue de son périple, Pierre-Nicolas se sent grandi. Il n’a aucun regret et savoure chaque souvenir précieusement. Il revit son périple à travers l’écriture de son livre, conscient de tout ce que cette aventure lui a apporté dans sa vie actuelle.

Aujourd’hui, il souhaite donner un conseil à celui qui aimerait se lancer dans un tel voyage.

'“Prends ton vélo et pars.”

Voilà quelque chose qui va nous faire du bien.



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