Anthony Roux : La renaissance par le triathlon
Ancien cycliste professionnel, Anthony Roux s’est reconverti dans le triathlon XL. Passionné et réfléchi, il compte bien faire ses preuves dans cette discipline dont il a toujours rêvé. Rencontre avec un sportif qui a décidé de vivre intensément sa pratique !
DLTDC : Bonjour Anthony et merci d’avoir accepté cet échange. Avant de commencer, j’aimerais qu’on revienne sur ton week-end de la rentrée. Tu as participé au Triathlon de Gérardmer format XL et tu as terminé 10ème. Comment te sens-tu et comment s’est passée cette course ?
Anthony R. : C’était mon premier dossard pro alors forcément, cette course a une saveur toute particulière ! J’étais assez impressionné, surtout au départ. C’était la première fois que je prenais le départ avec les élites. On part certes un peu devant, mais pas suffisamment pour que j’espère être tranquille sur la natation.
Sur cette course, j’ai choisi de me placer au milieu. À Fréjus par exemple, j’avais préféré me mettre sur le côté car je sais que je ne suis pas un excellent nageur. Cette fois, j’ai tenté le tout pour le tout et j'avoue que j'ai regretté ! J’ai subi beaucoup de bousculades sur la natation. Forcément, une Mass Start avec 1 600 personnes au départ, ça ne pardonne pas !
Mais ensuite, je fais une excellente remontée sur la partie vélo. J’étais à l’aise, j’avais de bonnes sensations et j’en ai profité pour jouer mes cartes. J’ai passé la ligne d’arrivée en ayant couru un semi très correct, même si je sais que je ne serai jamais un grand coureur.
En résumé, je visais un Top 7 mais la natation a eu raison de mon ambition. Je suis malgré tout content de ma course. J’ai pris le temps de noter les réglages et les ajustements que je vais devoir mettre en place pour la prochaine saison !
DU CYCLISME AU TRIATHLON : LA RENAISSANCE
DLTDC : J’aimerais qu’on revienne rapidement sur ta carrière de cycliste pro. Si tu devais me résumer ta carrière pro en cyclisme en quelques mots ?
Anthony R. : C’est très difficile comme exercice ! Mais je vais essayer.
En premier lieu, je dirais maturité. Le vélo m’a permis de grandir très vite. Le sport de haut niveau est très exigeant. Le cyclisme en particulier demande énormément de sacrifices. Je pense que ça m’a fait grandir plus vite que si je ne m’étais pas lancé dans cette voie.
Ensuite, rencontres. On voit des personnes qui gravitent dans le monde du cyclisme, mais plus largement, on rencontre énormément de gens de tous univers. Et ce mot, rencontre, vaut aussi pour les lieux que j’ai eu la chance de voir, en Europe mais aussi dans le monde. Je m’estime extrêmement chanceux.
Après, je pense au courage. Dans une carrière pro, il faut savoir avancer, se relever et repartir. Ce n’est pas donné à tout le monde de savoir se remobiliser.
Et pour finir, je dirais émotions. À l’image d’une course, ma carrière a connu des hauts, des bas, je suis passé par toutes les émotions. Et c’est d’ailleurs ce qui m’a fait avancer. Typiquement, le jour où j’ai obtenu le titre de Champion de France pour lequel je me suis tant battu, j’ai perdu ma motivation. C’était comme un aboutissement t je n’ai pas réussi à prendre ce virage et à repartir. En fait, j’admire beaucoup les sportifs qui performent au plus haut niveau des années durant et qui ne perdent pas la flamme. Moi, j’avoue que j’ai un peu perdu ma motivation et sans les émotions, sans cette flamme qui brûle et qui pousse à aller au bout de soi-même, je ne pouvais plus espérer performer comme avant.
DLTDC : Tu as choisi de prendre ta retraite il y a bientôt un an, ta dernière course était le 11 septembre 2022 : si tu devais résumer ta première année de cycliste retraité, qu’est-ce que tu dirais ?
Anthony R. : C’est une véritable renaissance. Dès le 12 septembre, je suis devenu triathlète longue distance à plein temps. J’avais vraiment envie de ne pas perdre ce que ma carrière de cycliste m’a apporté en termes de gains vélos. Je me suis lancé pleinement dans l’aventure tout de suite.
En ce qui concerne le triathlon, c’était un souhait de longue date, un rêve de gamin. Ça peut prêter à sourire mais j’ai toujours trouvé un Ironman plus impressionnant qu’un Tour de France. L’Ironman, c’est intense. Ça demande de performer non pas dans 1 mais dans 3 disciplines. Très jeune déjà, je rêvais d’Hawaï.
LE TRIATHLON DANS LE SANG
DLTDC : « Je crois que dans ma tête, j’ai toujours été triathlète » : tu peux m’expliquer cette phrase et me dire éventuellement pourquoi dans ce cas tu as choisi de consacrer ta carrière pro au cyclisme ?
Anthony Roux : J’ai fait du vélo grâce et à cause de mon père. Ce n’est pas un sport que tu fais avec tes copains quand tu es jeune, c’est plutôt une transmission familiale. Je fais partie d’une génération qui ne plaçait pas le vélo en très haute estime. Quand j’ai commencé à évoluer dans le milieu du haut niveau, alors que j’avais environ 15ans, on était post 1998. C’était un moment particulièrement difficile pour le cyclisme.
Au collège, j’ai même reçu des insultes : les cyclistes n’étaient vraiment pas les populaires du bahut. On était vraiment loin derrière les footballeurs ! Ce n’est qu’au lycée, quand je suis parti au CREPS de Nancy que je me suis trouvé avec des gens qui étaient comme moi.
“J’admire beaucoup les sportifs qui performent au plus haut niveau des années durant et qui ne perdent pas la flamme.”
Là-bas, il y avait aussi un pôle triathlon et je me suis retrouvé dans ces mecs-là. J’ai trouvé la force d’un groupe qui m’a permis d’exprimer ce que j’étais à une époque où les sportifs autres que les footballeurs, n’étaient pas forcément bien considérés.
Finalement, mes amis les plus proches sont presque tous triathlètes. En tout honnêteté, j’aurais pu partir vers le triathlon mais j’avais trop de retard. J’étais à l’aise dans le vélo, donc la facilité ne me donnait pas envie d’aller ailleurs. Si j’avais connu des difficultés sur le vélo, je pense sincèrement que j’aurais pu partir vers le triathlon.
DLTDC : Tu as participé avec succès à plusieurs triathlons, je pense notamment à l’Ironman de Nice où tu finis 10ème mais aussi à un format 24h en 2022… Qu’est-ce que ce sport t’apporte que tu ne trouvais peut-être pas dans le cyclisme ?
Anthony R. : Le T24, je l’avais vu passer en 2021. Je n’avais pas encore pris la décision d’arrêter le cyclisme. Je pensais faire encore une ou deux années. J’ouvre Facebook et je vois cette course de 24h qui se déroule à Bormes-les-Mimosas, juste à côté de chez moi. Ça a piqué ma curiosité et j’ai regardé la date : c’était juste après le Tour de Lombardie qui marque la fin de la saison pour les cyclistes. J’ai pris ça pour un signe et je me suis inscrit.
“Je pense sincèrement que ma place est chez les pros.”
Je n’avais jamais connu ça : pousser son corps à l’extrême pendant 24h. C’était nouveau et je voulais vraiment savoir comment mon corps et mon esprit allaient réagir. Ce fut une magnifique expérience avec une belle ambiance, mais c’était extrêmement dur. Malgré tout, j’ai trouvé ça enrichissant. Je pense y participer à nouveau dans quelques années, quand je prendrai le triathlon XL moins au sérieux.
Aujourd’hui, je veux me concentrer sur le triathlon professionnel. J’ai besoin de continuer à progresser sur le format Ironman et c’est mon objectif pour la prochaine saison. C’est tellement passionnant de se relancer dans 2 sports, de réapprendre la technique et de voir les marges de progression qui s’offrent à moi. J’ai pleins de choses à vivre dans ce sport !
DLTDC : Entre vouloir pratiquer le triathlon et devenir triathlète pro spécialiste du format Ironman, il y a un sacré fossé : pourquoi avoir choisi de te relancer dans une carrière pro ?
Anthony R. : Je n’aime pas faire les choses à moitié. Quand je fais quelque chose, j’y vais à fond. Dans les faits, j’étais obligé de passer par les groupes d’âges mais si j’avais pu, je serais passé pro encore plus tôt.
Je m’entraine tous les jours donc c’est logique pour moi d’avoir une licence pro. On ne parle pas d’un athlète qui s’entraine maximum 15 heures par semaine et qui a fait de l’Ironman un défi personnel. Attention c’est une très belle chose ! Mais ce n’est pas la même approche, on ne devrait pas se retrouver dans les mêmes classements.
Moi, je m’entraine tous les jours, une trentaine d’heures par semaine. Je vise la performance. Je pense honnêtement que ma place est chez les pros.
ENTRAINEMENT, VIE DE FAMILLE… : TROUVER LE BON ÉQUILIBRE
DLTDC : Comment organises-tu tes entrainements de triathlon ? Tu as déclaré avoir plutôt des faiblesses en natation comme la plupart des triathlètes, est-ce que tu souhaites te focaliser dessus ou plutôt continuer à travailler ton point fort : le vélo ? C’est quoi ta stratégie d’entrainement ?
Anthony R. : Quand j’ai arrêté ma carrière de cycliste en septembre 2022, j’avais du mal continuer d’effectuer de grosses séances vélo. J’avais envie de m’entrainer en natation et en course à pied, je ressentais l’attrait de la nouveauté. Mais très rapidement, j’ai senti une régression à vélo et je me suis posé en me disant qu’il était important de ne pas perdre mes acquis.
Après un stage à Majorque avec Metz Triathlon, j’ai bien roulé et je me suis rendu compte que je devais continuer à travailler ça. J’ai repris goût aux efforts à vélo.
Ensuite, j’ai fait Lanzarote où je pensais faire le meilleur temps vélo et je me suis pris 2min par le meilleur temps. Même si j’étais content de ma première expérience, j’étais franchement déçu. J’ai donc décidé de bien travailler le vélo.
J’ai une vision très pragmatique. Je suis assez lent en course à pied et je ne serai jamais nageur. Il faut savoir capitaliser sur ses acquis. Concrètement, même en travaillant la natation à fond par exemple, je ne gagnerai que quelques secondes. Je dois me concentrer sur ma principale qualité et cette qualité, c’est le vélo.
Toutefois, Je vais avoir une trêve hivernale puis je vais travailler la natation et la course à pied. Je reprendrai la prochaine saison vers le mois de mars avec des acquis techniques. Cette année, comme je le disais, j’ai enchainé directement ma fin de carrière de cycliste et le début de ma carrière de triathlète. Je me suis entrainé mais je n’ai pas eu le temps de rentrer dans les détails, de m’attarder sur la technique. Je devais travailler ma résistance en priorité. L’année prochaine, ce sera différent. Je vais d’ailleurs prendre un coach pour la natation et peut-être pour la course à pied.
Jusqu’ici, je m’entraine uniquement seul. Ça demande de bien se connaitre et d’être réfléchi sur sa pratique. Par exemple, je sais que je suis plus résistant que technique actuellement. En résumé, plus c’est lent pour moi en course à pied, mieux c’est ! C’est pourquoi je pense que je suis meilleur sur la distance full Ironman que sur un Half qui nécessite de courir un semi très rapidement.
DLTDC : Tu dis avoir choisi de prendre ta retraite pour te consacrer à ta famille : comment gérez-vous cette reconversion ? On sait que l’entrainement des triathlètes est très intense. Avez-vous trouvé un bel équilibre de vie ?
Anthony R. : Ma femme ne pensait pas que ce serait aussi intense ! Elle m’a plusieurs fois signalé avec humour que je n’avais finalement pas du tout pris ma retraite.
Mais contrairement au cyclisme, en triathlon, il y a très peu de compétitions et plus d’entrainements. Je suis donc bien plus souvent à la maison. J’ai une règle assez immuable : je m’entraine quand les enfants sont à l’école. Quand ils sont là, je suis disponible et on passe du temps en famille.
J’ai aussi un peu changé mon approche des compétitions. C’est simple, jusqu’ici, nous avons fait toutes les compétitions de triathlon ensemble ! Je choisis les courses en fonction du calendrier scolaire et de la destination. Ainsi, mes enfants et ma femme peuvent m’accompagner. Je pense que l’équilibre est là.
Cela n’empêche bien sûr pas que les gens soient surpris que je m’investisse autant voire plus qu’en fin de carrière. J’ai de sacrées journées, plus que quand je ne faisais « que » du vélo mais je rentre à la maison tous les soirs. C’est une approche complètement différente.
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