GAINS MARGINAUX ET MATÉRIEL DE POINTE : LA VÉRITÉ SUR LA PERFORMANCE À ROUBAIX
Paris-Roubaix. Rien que le nom évoque des mains endolories, des pavés rebelles, et une météo toujours prête à brouiller les cartes. Mais derrière les images épiques et les visages couverts de boue, se joue aussi une autre bataille : celle de l’innovation. Entre pressions de pneus millimétrées, casques aérodynamiques dessinés en soufflerie, et optimisation des moindres watts dépensés, le cyclisme moderne est devenu un terrain d’ingénierie de pointe.
Immersion avec la Tudor Pro Cycling Team, leur partenaire Oakley et leur jeune coureur Arthur, à quelques heures de l’enfer du Nord.
"C’est magique, mais faut être prêt à faire la guerre"
À 24 ans, Arthur Arthur Kluchers, coureur de l’équipe Tudor, s’apprête à vivre son premier Paris-Roubaix. Serein mais lucide, il a déjà en tête la carte des secteurs pavés, les zones de placement critiques, et surtout… les réglages de ses pneus. « Aujourd’hui, on roule sur du 32 mm. En juniors, j’étais en 28. Ça change tout », explique-t-il.
💡 Moins de pression = plus de confort = plus de vitesse. Une équation simple en apparence, mais cruciale sur les pavés du Nord.
La reconnaissance ? Elle se fait en deux temps. Une première partie intense sur les secteurs mythiques (Carrefour de l’Arbre, Trouée d’Arenberg), puis une deuxième plus tranquille pour repérer les approches. Ce qui l’inquiète le plus ? « La météo. S’il pleut, c’est une autre course. »
L’aérodynamisme, ce voleur d’énergie devenu meilleur ami
Chez Tudor, on ne laisse plus rien au hasard. Kurt Bergin-Taylor, responsable de l’innovation chez Tudor Pro Cycling Team, est clair : « Sur route plate comme à Roubaix, 80 % de l’énergie du coureur est mangée par la traînée aérodynamique. » Pour lutter contre ce voleur de watts, l’équipe multiplie les tests : souffleries, simulations informatiques, capteurs en extérieur.
Un objectif ? Transformer chaque watt en vitesse utile.
Mais attention à l’excès de zèle : « Un casque ultra-aéro, s’il est inconfortable, devient contre-productif. » L'équilibre entre performance et confort est une obsession. Et parfois, ce sont les idées de design esthétique qui boostent... l’aérodynamisme. Comme quoi, beau et rapide peuvent faire bon ménage.
L’ingénierie au service de la stratégie
Sur Roubaix, les pneus sont rois. Une bonne pression peut faire gagner jusqu’à 70 watts sur les pavés ! Et là, tout se complique : il faut un compromis entre les pavés et les 200 km d’asphalte. Trop mou, et on rame sur bitume. Trop dur, et c’est le massage cardiaque à chaque pavé. L’équipe a donc passé l’hiver à tester, retester, ajuster.
Et les gains marginaux dans tout ça ? Ils sont partout, mais surtout dans la combinaison : bons pneus + bonne pression + bon casque + bonne stratégie. Ce n’est pas un seul élément qui fait la différence, mais l’orchestration fine de tous les détails.
Crédit : Migue A (Paris/Roubaix, édition 2024)
Oakley, de la lunette à l’outil de guerre
Côté Oakley, on a sorti l’artillerie lourde. Trois nouveaux casques conçus en un temps record (sept mois), 2000 runs en soufflerie, des prototypes ajustés au millimètre. Et toujours une obsession : « Réduire la traînée sans générer d’inconvénients. » Leur responsable R&D parle de son projet avec des étoiles dans les yeux : « J’ai un passé en cyclisme amateur. Je voulais créer un produit que je sois fier de porter moi-même. »
Et ça marche : les casques ont déjà brillé sur les Flandres, et Paris-Roubaix sera leur crash test final avant le lancement public au printemps 2026. Si vous vous posez la question : oui, les lunettes aussi ont été optimisées. Parce que le style, c’est important, mais la traînée, encore plus.
De l'humain, toujours
Malgré tout ce qu’on peut injecter comme technologie dans une équipe pro, un rappel s’impose : il reste un humain sur le vélo. « Il faut les jambes, il faut le mental, et il faut être prêt à faire la guerre », dit Arthur. Son rêve ? Intégrer l’échappée. Son quotidien ? Massages, visualisation mentale, playlists dans le bus et tartines de pain au chocolat. Oui, la guerre, mais avec une touche de douceur.
Ce qu’il faut retenir
Pression des pneus : clé sur les pavés. Jusqu’à 70 watts d’écart selon le réglage.
Aérodynamisme : 80 % de l’énergie dépensée y est absorbée. À ne pas négliger.
Innovation : design guidé par les données, soufflerie, tests sur le terrain, collaborations étroites.
Matériel : casques, lunettes, roues, chaque composant est optimisé.
Esprit d’équipe : la technologie, oui, mais sans oublier le facteur humain.
En résumé ?
Paris-Roubaix, ce n’est pas seulement une guerre de jambes. C’est aussi une guerre de données, de watts, de confort, de design et de stratégie. Et dans cette guerre, chaque détail compte. Bienvenue dans le cyclisme moderne, où le gain marginal est roi, et où la sueur se mélange aux algorithmes.